RDC | Le Nord-Kivu face à une crise de déplacement sans précédent

13 March 2024

La crise prolongée que subit l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) depuis plusieurs décennies, connaît depuis bientôt deux ans une évolution préoccupante. Le conflit en cours depuis le printemps 2022 entre les forces gouvernementales congolaises et leurs alliés d’une part, et le groupe armé M23 d’autre part, s’est intensifié depuis la fin du mois de janvier 2024, avec des combats aux portes de la capitale du Nord-Kivu, Goma. Ces affrontements aggravent les vulnérabilités existantes d’une large partie de la population, également soumise à des déplacements incessants, à une recrudescence de certaines épidémies et à des évènements climatiques extrêmes.  

Pour attirer l’attention sur la dégradation de la situation, IMPACT – à travers son initiative REACH – a produit un brief assemblant un large spectre de données et analyses récentes, provenant de REACH et de sources secondaires. Selon ce document, les affrontements armés, nombreux et violents, ont provoqué de fortes vagues de déplacement, entraînant une hausse dramatique des besoins et des vulnérabilités, particulièrement dans les sites de déplacés.

Les régions autour de Goma et de Sake sont particulièrement touchées, avec une hausse de 25% du nombre de ménages déplacés entre le 27 janvier et le 21 février. Ce brusque afflux entraîne une pression sur la communauté hôte, qui accueille plus de la moitié des ménages déplacés. Cela a également pour conséquence la surpopulation des sites formels et la création spontanée de sites informels, où les conditions de vie sont dramatiques, et participent au risque accru de mortalité dans la région. 

Carte 1 : Évolution du nombre de ménages déplacés internes par la résurgence du M23 au Nord-Kivu, entre août 2023 et février 2024 (Données PDI : DTM/OIM)

Ces dynamiques de déplacements d’une large partie de la population aggravent les vulnérabilités existantes, dans une province où les besoins humanitaires sont sévères et persistants. L’aperçu des besoins humanitaires (HNO) 2024 évalue ainsi à 2,6 millions de personnes dans le besoin dans le Nord-Kivu, ce qui en fait la province la plus touchée de la RDC. L’assistance alimentaire et l’aide aux moyens d’existence sont les deux besoins prioritaires les plus cités au Nord-Kivu notamment du fait de l’inflation, des conflits, ainsi que la forte présence de groupes armés, ce qui réduit l’accès aux terres et entrave la production agricole. 

Ces déplacements massifs ont également un impact sur les violences basées sur le genre,  qui constituent également une problématique à l’échelle nationale, le HNO 2024 estimant à 7,7 millions le nombre de personnes ayant un besoin directement lié à ce phénomène. Parmi ces personnes vulnérables, les populations déplacées apparaissent comme les plus exposées, du fait notamment d’une surpopulation dans les sites de déplacés et d’un manque d’accès aux services de base ou à des moyens de subsistance, qui augmentent les risques d’exploitation, d’abus et de harcèlement sexuels. Au Nord-Kivu, le niveau de sévérité est considéré comme catastrophique dans les territoires du Masisi, Goma, Nyiragongo et Rutshuru (mais aussi dans les territoires du Lubero et de Béni). 

Malheureusement, cette crise intervient dans un contexte de crainte d’une diminution des financements internationaux, globalement en baisse, posant des questions sur la manière dont les décisions d’allocations des ressources seront prises. Malgré des tentatives de relancer un processus de paix, notamment à Addis-Abeba le 17 février lors d’un mini-sommet de chefs d’État, il est fort probable que le conflit perdure dans les semaines et mois qui viennent et fragilise encore davantage une région déjà largement éprouvée. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire d’assurer un niveau de financement adéquat pour les acteurs de première ligne et une priorisation efficace, notamment à travers le groupe de travail sur l’analyse des crises et de la qualité (GTACQ) conduit par OCHA avec le soutien technique de REACH. 

Vous pouvez accéder au brief complet ici.  

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DRC | North Kivu facing an unprecedented displacement crisis 

The protracted crisis that has gripped the east of the Democratic Republic of Congo (DRC) for several decades has taken a worrying turn over the past two years. Recent conflict, which has been unfolding since the spring of 2022 between the Congolese government forces and their allies and the M23 armed group, has intensified since the end of January 2024, with fighting at the gates of North Kivu’s capital, Goma. The conflict is compounding existing vulnerabilities among a significant part of the population, who are also experiencing continuous displacement, a resurgence of certain epidemics, and extreme climatic events. 

To draw attention to the deteriorating situation, IMPACT – through its REACH initiative – has produced a brief bringing together a wide range of recent data and analyses, both from REACH and secondary sources. According to this document, the numerous and violent armed clashes have caused large waves of displacement, leading to a dramatic increase in needs and vulnerabilities, particularly in IDP sites. 

The geographic regions, referred to as zones de santé or ‘health zones’, around Goma and Sake are particularly affected, with a 25% increase in the number of displaced households between 27 January and 21 February. This sudden influx is putting pressure on the host community, which is hosting more than half of displaced households. It is also leading to the overpopulation of formal sites and the spontaneous creation of informal sites, where living conditions are dire and contribute to the increased risk of mortality in the region. 

Map 1: Evolution of the number of households internally displaced by the resurgence of the M23 in North Kivu, between August 2023 and February 2024.

Widespread displacement is also impacting gender-based violence, which is also a national problem, with the 2024 HNO estimating that 7.7 million people have needs directly related to this issue. Among these vulnerable people, displaced populations appear to be the most at risk, due in particular to overcrowding in displacement sites and a lack of access to basic services or means of subsistence, which increase the risks of sexual exploitation, abuse, and harassment. In North Kivu, the level of severity is considered ‘catastrophic’ in the territories of Masisi, Goma, Nyiragongo and Rutshuru, and also in the territories of Lubero and Béni. 

Unfortunately, this crisis is taking place against a risk of reduced international funding, which is declining globally and raising questions about how decisions around resource allocation will be made. Despite attempts to relaunch a peace process at a summit of Heads of State in Addis Ababa on 17 February, the conflict is likely to continue over the coming weeks and months, further weakening a region that has already been severely affected. In this context, it is more necessary than ever to ensure adequate levels of funding for front-line actors and effective prioritisation, particularly through the Crisis Analysis and Quality Working Group (CAQWG), led by OCHA with technical support from REACH. 

You can access the full brief here. 

Photo Credit: Leo Porte – Camps de déplacés de Bulengo, Goma